Le trait de côte correspond à la limite entre le domaine maritime et le territoire continental. Il ne s’agit pas d’une frontière immuable, bien au contraire : chaque année, elle se déplace vers le continent à un rythme plus ou moins soutenu. L’érosion du littoral est la conséquence de phénomènes naturels et de l’activité humaine. Elle représente un risque, qu’il convient d’anticiper afin de protéger les populations et les écosystèmes côtiers. Dès 2009, la loi Grenelle 1 a mis en place une approche globale du recul du trait de côte, en y intégrant les enjeux environnementaux, sociaux et économiques. Une vue d’ensemble indispensable pour déployer les bonnes stratégies d’adaptation.
Les enjeux environnementaux
En France, le recul du trait de côte concerne environ 20 % du littoral. Ce phénomène représente un risque environnemental majeur, dont l’importance a été réaffirmée par la loi Climat et résilience du 22 août 2021. Le déplacement progressif du domaine maritime sur le continent menace la biodiversité et les écosystèmes côtiers. Il peut entraîner une modification de la qualité des eaux souterraines.
Une menace pour les écosystèmes et la biodiversité
L’avancée de la mer sur le domaine continental constitue un risque pour la biodiversité. Elle fragilise la végétation des zones côtières, et menace les espèces animales installées sur le littoral, comme les oiseaux d’eau.
Elle a aussi pour effet de bouleverser l’équilibre des écosystèmes établis dans les zones côtières. Les zones humides, comme les marais et la mangrove, peuvent être affectées par l’empiétement progressif de la mer sur leur environnement.
Un risque pour la gestion de l’eau douce
Le recul du trait de côte n’est pas sans conséquences sur la gestion de l’eau douce. Régulièrement menacées par les épisodes de sécheresse, les nappes phréatiques sont aussi exposées à un phénomène de salinisation.
Ces réserves souterraines d’eau douce subissent le déplacement du trait de côte. Lorsque l’eau de mer s’y ’infiltre, elle augmente la concentration en sels de l’eau douce.
Cette intrusion saline dans les nappes phréatiques a des conséquences directes sur la qualité de l’eau potable, sur la fertilité des sols et sur les écosystèmes aquatiques. Elle impacte aussi l’agriculture, puisqu’une eau d’irrigation plus salée peut diminuer le rendement des cultures.
Les enjeux sociaux et humains
L’érosion du littoral peut provoquer de nombreux déséquilibres sociaux, et avoir de sérieuses conséquences sur les populations côtières. À ce titre, le recul du trait de côte représente un véritable enjeu social et humain.
Des communautés côtières particulièrement exposées
Le recul du trait de côte menace directement les communes du littoral. Les conséquences à plus ou moins long terme peuvent être nombreuses, notamment :
- La perte progressive de terres ;
- La fragilisation des habitations ;
- La destruction de certaines infrastructures ;
- À terme, le déplacement des populations.
En France, le risque de submersion marine est réel. En 50 ans, l’érosion côtière a provoqué la perte de 30 km2 de terres. Selon une étude menée par le Cerema, 50 000 logements sont menacés de submersion à l’horizon 2100.
Une problématique de santé publique
Depuis 1900, le niveau de la mer s’est élevé de 20 cm. Un phénomène qui s’intensifie avec le réchauffement climatique : ces 30 dernières années, le rythme a presque doublé. Or, plus le niveau de la mer est haut, plus les vagues sont potentiellement dangereuses pour les populations côtières. L’augmentation des inondations, des tempêtes et des éboulements en est une conséquence directe.
Le recul du trait de côte affectant aussi la qualité de l’eau potable, il représente un risque sanitaire et expose les habitants à la propagation de maladies.
Un enjeu culturel et patrimonial
L’érosion du littoral met en péril la conservation du patrimoine historique et naturel local. Un patrimoine auquel les habitants sont particulièrement attachés. À terme, certains sites sont menacés de disparition. C’est le cas notamment de la Dune du Pilat, la plus haute d’Europe, qui perd plus d’un mètre chaque année.
Sur la côte d’Albâtre, les falaises d’Étretat subissent également les conséquences du recul du trait de côte. Ce monument naturel emblématique de la Normandie a vu récemment des blocs de craies de plusieurs tonnes s’effondrer sur la plage.
Les enjeux économiques
Les enjeux économiques du recul du trait de côte sont nombreux. L’exposition des zones côtières au risque de submersion et à l’érosion met en péril de nombreux secteurs d’activité comme le tourisme, la pêche ou le transport maritime. Un vrai défi pour l’aménagement du territoire.
De nombreuses conséquences économiques
La France est le deuxième espace maritime mondial, avec plus de 20 000 km de côtes. En métropole comme dans les territoires ultra-marins, les zones côtières possèdent un fort attrait touristique. Néanmoins, de nombreuses stations touristiques sont concernées par un recul conséquent de leurs plages.
D’après une récente étude européenne, certaines plages pourraient même totalement disparaître d’ici 2100, à l’image de la plage du Truc Vert au Cap-Ferret. La disparition des littoraux sableux aura nécessairement des conséquences sur le tourisme balnéaire, avec d’importantes répercussions économiques.
Et le tourisme n’est pas le seul secteur économique menacé par le recul du trait de côte. Toutes les activités maritimes sont directement concernées : la pêche, le transport maritime et toutes les infrastructures portuaires.
Un défi pour l’aménagement du territoire
Les risques littoraux représentent un véritable défi pour l’urbanisme et l’aménagement du territoire. La prise en compte de ces risques dans les projets d’aménagement et de construction est indispensable.
Elle se fait notamment par le biais de la procédure d’évaluation environnementale. L’étude d’impact permet ainsi de mesurer l’incidence d’un projet sur l’environnement. L’objectif est de ne pas aggraver le risque et de l’intégrer au projet. Lorsque c’est nécessaire, le rapport de l’étude d’impact peut préconiser une relocalisation du projet.
Pour les maîtres d’ouvrage comme pour les collectivités locales, la prise en compte du recul du trait de côte peut générer des surcoûts financiers importants.
Stratégie d’adaptation et de mitigation
Face aux nombreux enjeux du recul du trait de côte, il est possible de renforcer la résilience du littoral français. En 2012, la France s’est dotée d’une stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte (SNGITC). Ce programme doit faciliter la mise en place d’actions locales ciblées, afin d’anticiper et de gérer le recul du trait de côte.
Politique et gouvernance : le rôle des collectivités territoriales
L’État préconise d’adopter une gestion différenciée du risque. Il s’agit de prendre en compte le degré d’urbanisation des zones côtières, tout en respectant un principe de non-aggravation.
Une gestion dite dure peut-être appliquée dans les zones naturelles des documents d’urbanisme. Cela implique d’interdire toute nouvelle construction. Dans les zones denses, une gestion plus souple est préconisée à long terme. Les zones à urbaniser sont supprimées, mais les extensions de bâtiments existants demeurent possibles sous certaines conditions.
Par ailleurs, un décret paru en 2023 liste les communes qui doivent cartographier l’évolution du trait de côte sur leur territoire. Une surveillance établie à court terme (0 – 30 ans) et à long terme (jusqu’à 100 ans).
Seules les communes déjà dotées d’un plan de prévention des risques littoraux (PPRL), une déclinaison du plan de prévention des risques naturels (PPRN), seront dispensées de cartographier leur littoral. Le risque de recul du trait de côte est en effet déjà couvert par le PPRL.
Solutions naturelles ou projets d’ingénierie : les différentes stratégies
L’État recommande d’adopter des solutions naturelles en première intention. Ces solutions douces reposent sur le maintien du trait de côte et sur l’accompagnement du recul lorsqu’il est inévitable. Elles utilisent la nature pour renforcer l’adaptabilité du territoire et de ses habitants.
Les solutions naturelles présentent ainsi l’avantage de concilier la protection des populations et des équipements, et la préservation de la biodiversité. Parmi les actions possibles : restaurer les barrières dunaires, les mangroves ou les récifs coralliens. Autre alternative : empêcher la disparition des dunes en les végétalisant. Les sédiments fixés aux racines des végétaux seront en effet mieux protégés.
Lorsque le recul du trait de côte menace directement les populations, des solutions plus dures peuvent être adoptées. Elles reposent sur la construction d’ouvrages de protection, comme des digues, des brise-lames ou des épis. Elles doivent cependant constituer un ultime recours, compte tenu de leur impact sur les écosystèmes et de leur coût financier important.
Engagement communautaire et sensibilisation du public
Malgré la multiplication des phénomènes climatiques liés à l’érosion du littoral, les territoires côtiers sont soumis à une forte pression démographique. Il est donc essentiel de sensibiliser les populations locales aux risques liés à la montée des eaux et au recul du trait de côte.
Cela passe notamment par une amélioration du niveau d’information des habitants. Ainsi, le recul du trait de côte fait désormais partie des informations à mentionner obligatoirement dans l’état des risques et pollutions (ERP).
Les zonages liés au recul du trait de côte doivent également être mentionnés dans les documents d’urbanisme, comme les plans locaux d’urbanisme communaux (PLU) ou intercommunaux (PLUI).
Le recul du trait de côte étant largement intensifié par le réchauffement climatique, sa gestion représente un enjeu majeur du développement durable. Afin de protéger les populations et les écosystèmes côtiers, il est nécessaire d’intégrer ce risque dans les politiques d’aménagement du territoire, et d’associer les habitations à l’évolution de leur environnement.