Prévention des feux de forêt : comment le droit de préemption contribue à la sécurité et préserve la biodiversité

En 2022, les feux de forêt ont détruit plus de 80 000 hectares de végétation à travers toute la France. Ces incendies, de plus en plus fréquents et dévastateurs, représentent une sérieuse menace pour la biodiversité et pour les habitants des zones forestières. Et si l’activité humaine est à l’origine de la plupart des départs de feu, le réchauffement climatique est un facteur aggravant. La hausse des températures et les épisodes de sécheresse rendent nos forêts plus vulnérables. Face au risque accru d’incendie, les pouvoirs publics ont la possibilité de recourir à un nouvel outil de gestion foncière : le droit de préemption sur les parcelles forestières. Enjeux, cadre légal et limites : voici tout ce que vous devez savoir sur le rôle du droit de préemption dans la prévention des feux de forêt.

Les enjeux liés à la prévention des feux de forêt

La France est le quatrième pays européen en termes de surfaces boisées. Avec 16,9 millions d’hectares de forêts en métropole, le pays est particulièrement vulnérable aux incendies. La prévention des feux de végétation est un enjeu majeur pour les pouvoirs publics.

Une menace réelle pour la biodiversité et la vie humaine

Les feux de forêt représentent une menace directe pour les écosystèmes forestiers. Ces espaces naturels jouent un rôle clé dans la régulation climatique, le maintien de la biodiversité et la conservation des ressources en eau.

Ces incendies à répétition constituent également un risque majeur pour les populations locales. Ils menacent directement les habitations, les infrastructures et, parfois, les vies humaines.

Par ailleurs, les coûts économiques associés aux feux de forêt sont considérables. Ils incluent les dépenses de lutte contre les incendies, mais aussi les pertes agricoles, forestières, et touristiques, ainsi que les coûts de reconstruction post-incendie.

La responsabilité des pouvoirs publics dans la prévention des feux de forêt

Les pouvoirs publics ont un rôle essentiel à jouer dans la lutte contre la prolifération des feux de végétation. La prévention des incendies s’inscrit dans une stratégie globale de gestion proactive des ressources forestières et de maîtrise de l’urbanisation.

L’État et les collectivités territoriales travaillent main dans la main avec les propriétaires fonciers afin d’anticiper les risques d’incendie, mais aussi pour renforcer la résilience des zones boisées face au réchauffement climatique.

Le droit de préemption : un nouvel outil pour la prévention des feux de forêt

Depuis 2023, le droit de préemption dit DFCI est un nouvel outil stratégique pour lutter contre les feux de forêt. Il permet d’anticiper et de limiter les risques liés aux incendies dans les zones forestières vulnérables.

Le cadre légal du droit de préemption des parcelles forestières

Le droit de préemption est un outil juridique qui permet à une collectivité locale ou à une personne publique de faire l’acquisition de foncier en bénéficiant d’un droit de priorité. Il existe sous plusieurs formes, notamment :

Le droit de préemption pour la lutte contre les feux de forêt est une mesure récente. Il a été instauré par la loi du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention, la protection et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie.

Il s’accompagne de la création d’une nouvelle servitude d’utilité publique, le plan de prévention des risques d’incendies de forêt (PPRIF), codifiée aux articles L.562-1 à L.562-9 et R.562-1 à R562-12 du code de l’environnement.

Dans la hiérarchie des différents droits de préemption, le pouvoir de préemption octroyé à la commune dans le cadre de la prévention des feux de forêt ne prime pas sur le droit de préemption de l’État lors de la vente d’une parcelle classée en nature de bois et forêt de moins de 4 hectares. Cependant, il surpasse les droits de préférence des voisins, ceux de la commune, ainsi que le droit de préemption des communes forestières.

Champ d’application

L’application de ce droit est restreinte aux biens situés dans des zones identifiées comme à haut risque d’incendie. Ces zones comprennent :

  • Massifs forestiers : Il s’agit d’ensembles boisés continus. Bien que cette notion ne soit pas précisément définie par la loi, elle est généralement représentée sur les cartes des Plans Départementaux (PDPFCI) ou Interdépartementaux de Protection des Forêts Contre les Incendies (PIDPFCI).
  • Plans obligatoires : Le bien doit être localisé dans un département doté d’un PDPFCI ou PIDPFCI. Ces plans sont obligatoires pour 26 départements reconnus comme étant à risques majeurs.
  • Départements concernés :
NuméroDépartement
04Alpes-de-Haute-Provence
05Hautes-Alpes
06Alpes-Maritimes
07Ardèche
09Ariège
11Aude
12Aveyron
13Bouches-du-Rhône
24Dordogne
26Drôme
34Hérault
46Lot
48Lozère
64Pyrénées-Atlantiques
65Hautes-Pyrénées
66Pyrénées-Orientales
81Tarn
83Var
84Vaucluse
2ACorse-du-Sud
2BHaute-Corse
30Gard
33Gironde
40Landes
47Lot-et-Garonne

La mise en œuvre du droit de préemption des parcelles boisées

L’exercice de ce droit de préemption facilite la mise en œuvre d’actions de prévention et de sécurisation des forêts. Après l’acquisition, la commune peut ainsi recourir à différentes mesures, notamment :

  • La création de pare-feu, en dégageant des bandes de végétation pour limiter la propagation des flammes ;
  • Le débroussaillage périodique des parcelles ;
  • La surveillance accrue des terrains boisés en été ;
  • L’installation de pistes forestières et de points d’eau pour faciliter l’accès des pompiers ;
  • La mise en place de zones tampons inconstructible entre la forêt et les habitations ;
  • La création de projets de sensibilisation à vocation écologique, éducative et touristique.

Ainsi, le recours au droit de préemption des parcelles boisées permet au maire de maîtriser l’urbanisation des zones boisées et de les destiner à un usage compatible avec la prévention des incendies.

Utilisation du droit de préemption en zone forestière : procédure et limites

Le recours au droit de préemption pour préserver les forêts et prévenir les incendies repose sur une procédure bien établie. Pour que ce dispositif foncier soit pleinement efficace, les communes devront néanmoins relever plusieurs défis.

Recours au droit de préemption pour préserver les forêts : les étapes clés

La création d’un nouveau périmètre de préemption fait l’objet d’un travail préparatoire important, en concertation avec les partenaires locaux, les services d’incendie et de secours, les instances de protection de l’environnement et les propriétaires fonciers.

Pour commencer, la commune doit cartographier son territoire, afin d’identifier les zones exposées aux feux. Cette première étape permet d’évaluer la vulnérabilité des forêts et de repérer les interfaces critiques entre les parcelles boisées et les habitations.

Sur cette base, la commune peut instaurer un périmètre de préemption par une délibération du conseil municipal. Pour être pleinement opposable, la délibération doit être annexée au plan local d’urbanisme, et publiée dans les journaux d’annonces légales. Elle doit également faire l’objet d’un affichage public en mairie.

Lorsqu’une parcelle forestière située à l’intérieur du périmètre de préemption est mise en vente, le propriétaire transmet à la mairie une déclaration d’intention d’aliéner (DIA). La commune dispose alors de deux mois pour acquérir le terrain ou pour renoncer à préempter.

Si la commune décide de préempter, elle se substitue automatiquement à l’acquéreur initial. La préemption peut se faire au prix, ou faire l’objet d’une négociation entre le propriétaire et la commune. En cas de litige, l’exercice du droit de préemption peut aboutir à une expropriation. La purge du droit de préemption permet au propriétaire de vendre son bien dans les conditions prévues dans la DIA.

Les limites de la préemption pour prévenir les incendies en zone forestière

La préemption en milieu forestier se confronte à certaines limites. Sans une stratégie globale de gestion durable des forêts, le droit de préemption ne sera pas pleinement efficace pour prévenir les incendies.

Pour les communes, une autre difficulté se pose : trouver les fonds nécessaires pour acquérir les parcelles forestières concernées par le risque d’incendie et pour financer les actions planifiées en amont par les équipes municipales.

Par ailleurs, la préemption peut engendrer des tensions entre les propriétaires fonciers et la mairie. Un terrain grevé par un droit de préemption peut perdre de la valeur. Le risque de contentieux est élevé, notamment lorsque les propriétaires se pensent lésés par une estimation inférieure à leurs attentes, ou si la préemption aboutit à une mesure d’expropriation.

Le droit de préemption est un levier efficace pour la prévention des feux de forêt. Il nécessite toutefois une mise en œuvre rigoureuse et des moyens financiers suffisants pour produire pleinement ses effets.

Rechercher

Rejoindre Terranota

Cultivez votre curiosité et restez informés sur l’actu urba

Contacter Terranota

Vous êtes Notaire, professionnel du droit, professionnel de la construction ?
 
Prenez contact avec notre équipe !
 
Nous pourrons échanger sur votre problématique et vous expliquer comment nous mettons aujourd’hui notre expertise au service de nos clients sur chaque territoire.