Le droit de préemption désigne un droit qui permet à son bénéficiaire de devenir propriétaire d’un bien en se portant acquéreur en priorité. C’est un mécanisme d’acquisition foncière très répandu en droit de l’urbanisme. Il s’applique au bénéfice de la collectivité et dans un objectif de préservation de l’intérêt général. Il existe plusieurs droits de préemption, dont le mécanisme est strictement encadré par la loi. Définition, fonctionnement, conséquences, voici tout ce que vous devez savoir sur les droits de préemption.

Qu’est-ce que le droit de préemption ?
Bien plus qu’un simple droit de préférence, le droit de préemption est un mécanisme complexe qui octroie certains privilèges à une entité publique (souvent une commune), afin d’aménager un terrain dans l’intérêt général.
Définition du droit de préemption
Le droit de préemption est un mode d’accession à la propriété qui sort du cadre de la vente traditionnelle. La mise en œuvre de ce droit vient modifier les conditions d’une transaction immobilière, préalablement définies entre les parties. En cas de vente d’un bien grevé par un droit de préemption, le bénéficiaire de ce droit peut se substituer à l’acquéreur choisi par le propriétaire, et conclure la vente à sa place.
Le mécanisme de la préemption en droit de l’urbanisme
En droit de l’urbanisme, le droit de préemption est instauré au bénéfice d’une entité publique (commune, département, société d’aménagement), afin de favoriser une opération d’intérêt général. Ce mécanisme est prévu par les dispositions de l’article L.210-1 du code de l’urbanisme.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi Alur, le bénéficiaire du droit de préemption est la personne morale compétente pour élaborer le plan local d’urbanisme (PLU). Toutefois, ce droit peut être délégué à une société publique d’aménagement ou à un organisme HLM. En matière de préemption d’un espace naturel sensible, le bénéficiaire de ce droit est le conseil départemental.
Une collectivité peut exercer son droit de préemption pour :
- Créer des équipements collectifs ;
- Construire des logements sociaux ;
- Lutter contre l’insalubrité ;
- Préserver un espace naturel ;
- Mettre en œuvre une opération de renouvellement urbain.
Zones de préemption et hiérarchie des droits de préemption
La création d’un droit de préemption s’accompagne nécessairement de la délimitation d’un périmètre, à l’intérieur duquel il s’applique. Les zones de préemption sont propres à chaque dispositif. Lorsque plusieurs périmètres se superposent, un principe de hiérarchie s’applique.
Qu’est-ce qu’une zone de préemption ?
Pour recourir au droit de préemption, le bénéficiaire doit créer une zone à l’intérieur de laquelle il peut l’exercer. La mise en place d’une zone de préemption doit toujours être motivée, et la nature des parcelles concernées dépend du droit de préemption invoqué.
Ainsi, les zones de préemption du DPU et du DP commercial se concentrent sur les zones urbaines à urbaniser. Elles ont pour objectif de faciliter la mise en œuvre de projets urbains ou de maintenir un tissu commercial et artisanal dynamique dans les villes.
De nombreux mécanismes s’appliquent uniquement en zone rurale, puisqu’ils ont vocation à les protéger, en évitant qu’elles soient urbanisées ou densifiées. C’est le cas du DPENS, du périmètre PENAP, du DP des Safer ou du DP ressource en eau.
Comment fonctionne la hiérarchie entre les différents droits de préemption ?
Lorsque plusieurs périmètres concernent une même parcelle, les droits de préemption peuvent interagir entre eux. S’ils sont détenus par un même bénéficiaire, celui-ci peut librement choisir le dispositif le plus opportun, en fonction de ses objectifs et du projet qu’il souhaite mettre en œuvre.
Mais si plusieurs bénéficiaires se manifestent, il convient d’appliquer un principe de hiérarchie, qui peut être précisé par la loi de façon explicite, ou induit par la nature des dispositifs invoqués.
Selon le Code de l’urbanisme, le droit de préemption attribué à une Safer et le DP ressource en eau s’effacent lorsqu’ils se trouvent en concurrence avec le DPU, le DP en ZAD, ou le DPENS. Ils sont en revanche prioritaires par rapport aux droits de préférence pour l’acquisition d’une parcelle boisée classée.
En cas d’absence de disposition légale ou réglementaire, les bénéficiaires peuvent tenter de trouver une solution à l’amiable. Si un conflit persiste, il appartient au juge administratif de trancher, et de reconnaître la supériorité d’un mécanisme sur l’autre.
Pour en savoir plus, consultez notre article complet sur la hiérarchie des droits de préemption.
Les différents droits de préemption en droit de l’urbanisme
En droit de l’urbanisme, le mécanisme de la préemption peut prendre plusieurs formes, selon la nature du bien à acquérir.
Le droit de préemption urbain
Le droit de préemption urbain (DPU) est prévu par les articles L.211-1 à L.211-7 du code de l’urbanisme. Il peut être instauré par délibération du conseil municipal, dans les communes couvertes par un PLU ou équivalent.
Le DPU concerne certains secteurs urbains ou à urbaniser, identifiés sur un plan de zonage. Il concerne tous types de biens immobiliers, et peut s’appliquer en cas de vente volontaire ou forcée. Les immeubles gérés par les organismes HLM sont exclus du droit de préemption urbain.
L’article L.211-4 du code de l’urbanisme prévoit la possibilité d’instaurer un droit de préemption renforcé, sur délibération motivée du conseil municipal. Il permet d’appliquer le DPU à des biens qui en seraient exclus, comme :
- Les biens achevés depuis moins de 4 ans ;
- Les cessions de part de sociétés immobilières ;
- Les copropriétés de moins de 10 ans.
Découvrez le droit de préemption en copropriété, un cas bien particulier.
Le droit de préemption commercial
Le droit de préemption commercial a été instauré afin de permettre aux communes de maintenir la présence de services de proximité dans certaines zones de son territoire. Les secteurs concernés par ce droit de préemption sont identifiés dans un plan de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité.
Le Maire peut exercer son droit de préemption dans les cas suivants :
- Cession d’un fonds de commerce ;
- Cession d’un fonds artisanal ;
- Cession d’un bail commercial ;
- Cession d’un terrain à bâtir pouvant accueillir des commerces dont la surface de vente serait comprise entre 300 et 1000 m2.
Le droit de préemption en ZAD
Le droit de préemption en Zone d’Aménagement Différé (ZAD) fonctionne sur le même principe que le DPU. Il concerne les secteurs dans lesquels le droit de préemption urbain ne s’applique pas. Selon les dispositions de l’article L.212-2 du code de l’urbanisme, le titulaire du droit de préemption est désigné dans l’acte de création de la ZAD.
L’objectif principal du droit de préemption en ZAD est de constituer une réserve foncière, afin d’anticiper la mise en œuvre d’une future opération d’aménagement. Il doit être renouvelé tous les 6 ans.
Le droit de préemption dans les espaces naturels et sensibles
Le droit de préemption dans les espaces naturels et sensibles permet de préserver certains secteurs dont l’enjeu environnemental est reconnu. Il est régi par les articles L.215-1 à L.215-24 du code de l’urbanisme.
Ce droit de préemption est majoritairement exercé par les conseils départementaux et les parcs naturels régionaux. Il permet l’acquisition d’espaces naturels en vue de protéger la faune et la flore, et de rendre certains sites naturels accessibles au public.
Le droit de préemption pour la lutte contre les incendies
Le droit de préemption a récemment été étendu pour jouer un rôle clé dans la gestion des risques d’incendie de forêt. Ce mécanisme permet aux communes d’acquérir en priorité des parcelles situées dans des zones à haut risque d’incendie. Ces zones comprennent notamment les massifs forestiers identifiés dans les Plans Départementaux de Protection des Forêts Contre les Incendies (PDPFCI), créés à partir de la loi du 10 juillet 2023. Une fois ces terres préemptées, des mesures telles que la création de pare-feu, le débroussaillage, et l’aménagement d’infrastructures pour les pompiers peuvent être mises en place, réduisant ainsi la vulnérabilité des forêts et des habitations voisines.
Pour en savoir plus sur la manière dont ce droit de préemption contribue à préserver la biodiversité et à sécuriser les espaces forestiers contre les incendies, consultez notre article détaillé sur la prévention des feux de forêt et le rôle du droit de préemption.
Le droit de préemption pour la protection des ressources en eau
Créé par une loi de 2019, le droit de préemption pour la protection des ressources en eau (DP ressource en eau) répond à des enjeux écologiques et sanitaires forts. Il a pour objectif de protéger les aires d’alimentation de captages en eau potable.
Il peut être instauré par le préfet de département, sur demande d’une commune, d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, ou d’un syndicat chargé de la gestion de l’eau potable.
Le DP ressource en eau s’applique aux ventes de terrains agricoles. Il permet aux communes ou à leurs établissements publics de préempter une parcelle agricole lorsqu’elle se trouve à proximité d’une aire de captage, afin d’empêcher son urbanisation.
Les propriétés acquises via ce dispositif de préemption doivent être dédiées à une activité compatible avec la préservation des ressources hydriques. Lorsque c’est nécessaire, des opérations de dépollution doivent être engagées.
Le droit de préemption des SAFER
Les Safer sont des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, qui accomplissent des missions de service public pour le compte de l’État. Elles disposent de compétences régionales, et sont placées sous la tutelle conjointe du ministère de l’Agriculture et la Souveraineté alimentaire et du ministère de l’Économie et des Finances.
Créés en 1960, les Safer contribuent à lutter contre la spéculation foncière en milieu agricole. À ce titre, elles bénéficient d’un droit de préemption, octroyé par décret à chaque entité régionale.
En cas d’aliénation d’un bien agricole situé dans leur périmètre d’intervention, les Safer peuvent l’acquérir en priorité. Ces biens ont vocation à être loués ou revendus à des agriculteurs. Pour chaque terrain, la Safer réalise une étude d’opportunité, et sollicite l’accord de l’État.
Le droit de préemption dans les PENAP
Les périmètres de protection et de mise en valeur des espaces naturels et agricoles périurbains (PENAP) ont été créés par la loi relative au développement des territoires ruraux du 23 février 2005.
Les PENAP sont destinés à protéger les espaces naturels et agricoles à proximité des villes, en limitant l’urbanisation de ces zones périphériques. Les enjeux de ces zones de protection sont nombreux : ils contribuent à lutter contre l’étalement urbain, et favorisent le maintien et le développement de l’agriculture.
Pour acquérir des terrains à l’intérieur d’un PENAP, le département peut recourir à l’expropriation, ou user de son droit de priorité. Le droit de préemption PENAP est exercé par la Safer, pour le compte du département.
Les actions spécifiques liées au droit de préemption
Le fonctionnement du droit de préemption fait l’objet de nombreuses dispositions législatives et réglementaires. Création, délégation et modalités de purge sont ainsi très encadrées.
Le processus d’instauration du droit de préemption
Le droit de préemption est une prérogative exceptionnelle, qui interfère directement avec le droit de jouissance des propriétaires fonciers. Le recours à ce dispositif est donc très encadré, et la création d’un droit de préemption doit nécessairement être prévue par un texte législatif.
Dans la plupart des cas, le droit de préemption doit faire l’objet d’une démarche volontaire de la collectivité ou de l’organisme qui souhaite en bénéficier. Ainsi, les collectivités locales doivent voter une délibération, précisant les modalités et le périmètre d’application du droit de préemption sur leur territoire.
Pour en savoir plus sur le processus d’instauration du droit de préemption, consultez notre article sur la délibération pour instaurer un droit de préemption urbain.
Les possibilités de délégation du droit de préemption
Le droit de préemption peut être exercé directement par son bénéficiaire ou délégué à un organisme tiers lorsque la loi le permet. Voici quelques exemples :
- L’article L.213-3 du Code de l’urbanisme autorise le bénéficiaire d’une ZAD à déléguer son droit de préemption au concessionnaire d’une opération d’aménagement, à l’État ou à une collectivité locale.
- Le DPU peut être délégué à de nombreuses entités, comme les EPCI ou les sociétés d’économies mixtes. Depuis 2015, il peut également être attribué à un bailleur social privé, selon les dispositions prévues à l’article L.211-2 du Code de l’urbanisme.
- Initialement attribué au département, le DPENS peut quant à lui être délégué à l’État, à une autre collectivité locale, à un établissement public ou au conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres (article L.215-8 du Code de l’urbanisme).
Les modalités de purge des droits de préemption
Lorsqu’une cession intervient dans une zone de préemption, le propriétaire doit respecter la procédure de purge prévue par la loi. Il s’agit d’une condition essentielle pour assurer la sécurité juridique de la transaction.
La purge du droit de préemption s’obtient lorsque le bénéficiaire préempte le bien, lorsqu’il renonce à préempter, ou en l’absence de réponse du bénéficiaire, dans le délai prévu par la loi.
Le délai de purge varie selon les procédures. Il est de :
- Deux mois à compter de la date de réception de la déclaration de cession pour la majorité des droits de préemption (DPU, le DP en ZAD ou le droit de préemption commercial, DP ressource en eau notamment) ;
- Trois mois pour le DPENS ;
- Deux mois pour le DP octroyé aux Safer, ce délai pouvant être réduit au moyen d’une procédure accélérée, après entente entre les parties.
- Il n’est pas encore précisé pour le nouveau droit de préemption pour la défense de la forêt contre l’incendie (DFCI).
Pour en savoir plus, découvrez notre article sur les procédures et les bonnes pratiques pour purger chaque type de droit de préemption.
Quels sont les effets du droit de préemption ?
La mise en œuvre du droit de préemption passe par le dépôt d’une déclaration d’intention d’aliéner. En cas de préemption, les effets sont différents pour le vendeur et l’acquéreur.
La procédure de déclaration d’intention d’aliéner
Le propriétaire d’un bien grevé par un droit de préemption a un devoir d’information. Afin que la le titulaire du droit de préemption puisse exercer ce droit, le propriétaire doit l’informer de son intention de vendre.
Le vendeur doit donc déposer une Déclaration d’Intention d’Aliéner, ou DIA, via le formulaire cerfa n° 10072*02. La déclaration est à transmettre au service urbanisme de la mairie, ou au conseil départemental pour le droit de préemption dans les espaces naturels et sensibles.
La DIA contient des informations précises sur le bien et la vente à venir. Elle indique notamment le prix de vente, la superficie du bien, sa destination, ou encore l’identité de l’acquéreur. Le délai d’instruction d’une DIA est de deux mois (trois mois pour les espaces naturels sensibles)..
La DIA doit être adressée à la mairie ou au conseil départemental au moins deux mois avant la date de signature de l’acte authentique. En l’absence de DIA, la vente peut être annulée par le juge administratif.
Les conséquences de l’exercice du droit de préemption sur la vente
Si l’entité publique a décidé de préempter le bien, deux cas de figure sont possibles :
- Le titulaire du droit de préemption accepte d’acheter le bien au prix convenu entre le vendeur et l’acquéreur ;
- La commune (ou son équivalent) souhaite négocier le prix d’achat du bien.
Dans le premier cas, la collectivité se substitue automatiquement à l’acquéreur pour conclure la vente. Dans le second cas, le vendeur peut refuser de vendre son bien au prix proposé par la commune, la société d’aménagement ou le département, et en conserver la propriété. En cas de désaccord, la collectivité peut cependant décider d’entreprendre une procédure d’expropriation.
Le transfert de propriété du bien préempté doit avoir lieu dans un délai de quatre mois maximum suivant la conclusion de l’accord sur le prix de vente. Passé ce délai, si l’acte authentique n’a pas été signé et si le prix n’a pas été payé, le vendeur peut aliéner son bien librement.
En exerçant son droit de préemption, l’entité publique s’engage à réaliser l’opération pour laquelle elle a préempté le bien. En cas de non-respect de cet engagement, l’ancien propriétaire et l’acquéreur initial peuvent former un recours auprès du tribunal administratif.